Innover en communication : la stratégie Wilkinson

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L'été est fait pour les changements de rythme, IdeAd en est la preuve vivante 🙂 On décroche du flot ininterrompu d'info, on digère l'année passée, on reprend son souffle avant la tornade d'automne. Et parfois on en profite pour creuser un peu des courants ou faire un peu de synthèse. 

C'est l'objet de cet article, premier d'une série consacrée aux marques qui osent redéfinir les contours de la communication et qui innovent. Wilkinson, la marque de rasoirs appartenant aujourd'hui au groupe Energizer, méritait bien d'inaugurer le principe. D'abord parce que le marché des rasoirs ne connait pas vraiment la crise et qu'il repousse toujours les limites de l'innovation "gadget" ou réelle. Ensuite parce que Wilkinson, si elle continue sur la lancée des dernières années, devrait remporter le titre d'Annonceur de l'année à Cannes d'ici peu. 

Histoire de rasoirs

Petit historique, occasion d'un léger cocorico ( beaucoup de français ont contribué à l'histoire du rasage et pourtant … ). Le premier
rasoir dit de  "sûreté",
a été inventé par un français, Jean-Jacques Perret qui se serait inspiré de l'aéronautique…


Mieux ( séquence
Ô Canada ): en 1895, King Camp Gillette, autre français, immigrant au Canada
pour finalement devenir américain, a l'idée d'une lame à usage unique. Pour
lui, le moyen idéal de faire de l'argent était de vendre un produit devant être
remplacé à intervalles réguliers: un des premiers exemples de jetable dont le
Baron Marcel Bich ne manquera pas de s'inspirer un peu ( la double lame de
rasoir apparue dans les années 60, avec le jetable, fait d'une seule pièce en
plastique présenté par BIC. ). 

En 1905, le
rasoir Gillette arriva en Grande-Bretagne, 90.000 rasoirs et 2,5 millions de
lames furent produites, passant à 300.000 rasoirs et 14 millions de lames en
1908. En 1920, le rasoir Gillette fut officiellement introduit dans l'armée
Britannique, en remplacement de l'ancien "coupe-choux". Wilkinson
produit des rasoirs semblables mais avec lame réaffûtable. 

Pour compléter
le tableau des joueurs ( et comprendre qu'ils s'affrontent depuis des lustres
), ajoutons Jacob Schick, lequel inventa le rasoir électrique dans les années
20. Schick, la marque américaine de Wilkinson, estimait que l'homme pourrait
prolonger sa vie jusqu'à 120 ans en se rasant tous les jours. Sympathique
excentrique. ( source: rasoir mania )

Des chiffres et des poils 


L'évolution
des rasoirs fait parfois penser à la surenchère de l'époque de la Guerre Froide
en matière d'armement nucléaire : quand Gillette lance le rasoir à trois lames,
le fameux Mach3, Wilkinson réplique avec le Quattro qui comme son nom l’indique
en possède 4 ! Gillette n’en reste pas là et dévoile un rasoir… à cinq lames,
le Fusion !

Gillette et
Wilkinson c’est, juste en France, un marché de plus de 400 millions d'euros,
des marges considérables et aucune concurrence sérieuse à l'horizon. Gillette
domine avec plus de 55% de part de marché et près de 70% aux USA. Son
challenger, Wilkinson ne désarme par pour autant et taille des croupières à son
rival de toujours. Depuis quelques années, Wilkinson marque des points et atteignait
en 2006, 28%  de parts de marché. (Données
2006).


L’univers du
rasoir est donc l’objet d’une guerre d'imagination et d'innovation : il est
normal qu'avec l'avènement publicitaire et le rachat de ces marques juteuses
par des multinationales ( Gillette appartient à P&G. Wilkinson à
Energizer Holdings ), la
bataille se soit déplacée sur le terrain de la publicité et de la
communication… 

Pour conquérir
les jeunes et retenir les moins jeunes, Gillette et Wilkinson ne lésinent pas
sur les investissements publicitaires : 36 millions d'euros par an en moyenne à
eux deux. Gillette, quoi que leader, serait le plus dépensier… ( Source : Journal du net )

Wilkinson et l'innovation com'

Normalement, l'ADN de Gillette ( et son parcours d'innovation ) aurait dû se retrouver dans sa communication. Or, il n'en est rien. J'ignore si c'est un syndrôme de l'hygiène masculine mais les déodorants, les mousses à raser et les rasoirs constituent même un vrai bastion de conservatisme et d'immobilisme en terme publicitaire: mêmes recettes, mêmes arguments sont ressassés depuis des décennies ( hormis l'ovni Cantona pour Bic … )

Marché ronronnant et tout en démonstration musclée, que Wilkinson a commencé à chambouler il y a 3 ans.

  

 Car si Gillette peut donner
l’impression d’être plus innovant au niveau des produits, c’est Wilkinson qui
révolutionne la com dans ce secteur. Tandis que Gillette poursuit sa route traditionnelle en sponsorisant les champions ( Beckham, Tiger Woods, Federer, Thierry Henry… ), Wilkinson enchaine les success stories autour d'opérations  virales, participatives et déconnantes : DARE, Fight for kisses et ce printemps, version fille, " Garden Party".

Je ne détaillerai pas le principe de ces trois grandes campagnes, multi-primées, archi-commentées dans tous les blogs de la planète ( voir présentation slideshare ). Retenons que la première, "Dare", sorte d'association virtuelle revendiquant le droit au rasage extravagant ( du Facebook avant l'heure ) a ouvert le bal en 2006 avec une performance étonnante: au bout d'un an à peine , le ton résolument décalé de
cette prise de parole d'une marque de rasoirs a attiré plus de
600.000 visiteurs, dont près de 160.000 inscrits en opt-in, et plus de 2.000
photos déposées. La campagne a par ailleurs été récompensée par un
Cyberlion à Cannes, le Grand Prix Stratégies de la meilleure campagne
interactive, le Clic d'Or de du meilleur site de marque et le Cristal de la
meilleure production Internet à Méribel. Tellement efficace que rebelote en 2007, autour de la campagne présidentielle française avec
la même équipe de "campagne" : Mediaedge:cia / Labviral (conception
globale), Milk (production des films), Buzzman (conception / rédaction) et
JWT Paris. 

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En 2008, "Fight for the kisses" et son combat père/ fils renouvelle le style tout en reproduisant le succès. Cette fois c'est l'Advergame qui est au centre ( et qui aura le mérite d'attirer les foules bien au delà des cercles d'accros aux jeux vidéos ).

Fight for Kisses en chiffres est tout aussi décoiffant :


• 14 millions de visites sur
le site en 3 mois

• 600 000 téléchargements du
jeu

• Trailer posté 46 fois sur
You Tube

• 76% des cibles ont propagé
le film

• 17 prix dont un Grand prix
Effie

 et mieux : gain de 5% de parts de
marché chez les jeunes hommes, cible avouée des deux grandes marques. 


La petite dernière porte sur le lancement d'un rasoir féminin "Quattro for Women Bikini" ( rasoir équipé de 4 lames et d'une tondeuse bikini ajustable ). C'est JWT, Media Edge:CIA et son studio media Arthur Schlovsky qui ont piloté l'opération "garden party"

Même si elle a eu beaucoup de succès, la version américaine de la chanson est beaucoup moins sexy, savoureuse ou innovante dans la forme que le clip de Simone Elle est Bonne ( la version française, plus typée tout comme le site ). Les derniers chiffres que j'ai lus ne sont probablement plus à jour mais on parlait de plus de 500 000 visionnements sur Youtube.  En comparaison la pub pour le Vénus de Gillette a l'air complètement off…


 

À chaque fois, c'est également le buzz et le jack pot en terme de couverture média. Quand VSD s'empare d'un phénomène pub, c'en est presque gênant !


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En résumé, Wilkinson dans sa quête du renouvellement de clientèle et de positionnement plus différenciant a depuis 2006 délaissé les clichés de la com' rasoir. Contrairement à Gillette
qui interrompt le contenu vu par les téléspectateurs et les internautes,
Wilkinson est le contenu qu’on veut voir : l’un fait figure de vieillard,
l’autre de jeune, tout à fait en phase avec sa cible et sa position de
challenger. 

Chemin faisant, la marque démontre que l'innovation est payante en communication aussi. Et elle pourrait bien devenir une sorte de baromètre de la profession quant aux pratiques de mix … À suivre pour les prochains épisodes de ce qui est désormais une "saga" de la communication 21 ième siècle.

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